L'Institut et Musée Voltaire a été officiellement créé le 2 octobre 1954 à la suite d'une convention signée entre la Ville de Genève et le milliardaire anglais d'origine polonaise Theodore Besterman.
Le présent fonds a été constitué par Theodore Besterman lui-même, du début des années 1950 au début des années 1970, avant et pendant ses activités de direction à l’Institut et Musée Voltaire (IMV). Les nombreux échanges qu’il entretient durant ces années-là forment la riche correspondance présente dans ce fonds. Celle-ci permet de reconstituer en grande partie l’histoire des acquisitions faites par l’institution, mais aussi et surtout l’histoire de l’édition de la "Correspondance de Voltaire" et des "Œuvres complètes de Voltaire".
Né en novembre 1904 à ?ód? en Pologne, Theodore Besterman est connu comme étant l’un des plus grands bibliographes du XX° siècle. Il a fait fortune grâce à ses éditions, notamment dès 1947 avec "A world bibliography of bibliographies […]". Cette œuvre qui rassemble la totalité des bibliographies parues depuis les débuts de l’imprimerie, sera rééditée à plusieurs reprises. Plus qu’un éditeur scientifique reconnu, Theodore Besterman est surtout réputé pour sa passion et sa grande connaissance des œuvres et de la correspondance de Voltaire. Ainsi commence-t-il dès 1953 à établir à Genève, un premier corpus de la correspondance de Voltaire, sous la forme de 107 volumes (édition contenant à peu près 20 000 lettres). Parallèlement, il publie dès 1955 la collection des "Travaux sur Voltaire et le dix-huitième siècle", qui deviennent la même année les "Studies on Voltaire and the eighteenth century" (ou SVEC). Il travaille alors sans relâche sur ses publications, mais finit par se rendre compte qu’il manque de nombreuses lettres dans son premier corpus de correspondance…
Des années plus tard, lors du Congrès des Lumières du 24 août 1967, un projet d’édition des Œuvres complètes de Voltaire est proposé par William Barber et Owen Taylor, qui souhaitent pour cela créer un collectif. Ayant toujours en tête la réédition de sa correspondance, Theodore Besterman se laisse entraîner dans ce projet d’édition plus vaste. Il est rejoint par Andrew Brown et René Pomeau. Cinq principes sont alors édictés, qui vont principalement traiter du prix, des conditions de publication et du contenu des textes. Besterman accepte de participer pour ce qui concerne l’impression et la diffusion de l’édition. Dès 1968, plusieurs réunions du collectif permettent de prendre de nouvelles décisions sur la structure de l’édition (catégories, ordre chronologique, indexation…). Puis un comité exécutif autonome est créé, qui se voit confier les compétences éditoriales. A ce moment-là, Besterman doit assurer la préparation des manuscrits et leur diffusion. Les "Cahiers de Voltaire" paraissent en premier, puis "La Henriade" […] et finalement les "Œuvres complètes de Voltaire" (ou OCV), comprenant la correspondance dite ‘’définitive’’, seconde édition de la correspondance de Voltaire. Les textes et articles vont se succéder, mais très vite, des problèmes d’édition surgissent : textes manquants, présentations différentes, choix des variantes de texte difficile... Et malgré les ‘’Directives générales’’ existantes, chaque éditeur interprète à sa manière. Comme il n’y a pas de contrôle, un manque d’homogénéité dans l’édition des volumes subsiste… Les archives du présent fonds témoignent d’ailleurs des nombreuses difficultés rencontrées par Theodore Besterman et ses collaborateurs, dans la préparation des textes et leur diffusion.
Poursuivant sa passion pour Voltaire et pour le XVIIIe siècle, Besterman continue de publier dans divers pays. Les OCV et les SVEC sont d’ailleurs publiés à Genève, puis au Canada et enfin à Oxford. Cependant, en octobre 1974, après des années d’activités éditoriales intenses, il se retire de l’édition des "Œuvres complètes" et part en Angleterre, où il projette de léguer ses publications à l’Université d’Oxford. C’est la Voltaire Foundation qui va alors poursuivre la publication des OCV, en plus des autres travaux scientifiques sur le XVIIIe. Theodore Besterman décède en octobre 1976 à Banbury près d’Oxford. Dès lors, des procès s’engagent autour de sa succession et l’édition des OCV se poursuit en pointillé. Il faudra attendre 1983 pour que l’activité reprenne et qu’un cadre et une standardisation de l’édition soient mis en place, réduisant ainsi les difficultés rencontrées jusqu’alors.
Finalement, avec le premier corpus de la correspondance de Voltaire, Besterman a lancé un projet qui le suivra toute sa vie et pour lequel il se dévouera entièrement. Jean-Daniel Candaux dira d’ailleurs : "Theodore Besterman a fixé un schéma d’édition des lettres, perpétué jusqu’à nos jours, il a réinventé une manière d’éditer la correspondance".